Devoir gagner sa vie, est-ce le contraire de la comédie ? Travailler, le contraire de jouer ? Roland Dubillard est un écrivain qui fait rire : forcément un homme en marge. En s’amusant avec les mots, il interroge le sens profond de nos existences : passer d’une occupation à l’autre comme d’une boîte à une autre, jusqu’à la dernière boîte. 

Les travaux suspendus, les travaux inutiles ;
Les travaux forcés, les travaux,
Les laborieux travaux, les douloureux labeurs ;
Les labeurs travaillés, ouvrés, creusés, gravés,
Durcis, sertis, brillants, petits soleils,
De la petite tache d’encre à la tache énorme de la nuit ;
Travaux mystérieux des cafards sous la grande bâche de la nuit ;
Boulots patients des vers sous l’écorce des meubles ;
Jobs triomphateurs des rois noirs à la verticale du soleil ;
Et les affaires !
 
Visage déjà fatigué devant tout ce qui lui reste à faire ;
Dessein monumental, entreprise hardie !…
Biffons ! Messieurs, biffons tout ça ! je biffe
– Je la renie, cette énumération
Qui ressemble à un tas,
À ce tas de crottin
Que l’aube, avant de s’en aller, dépose
Chaque matin sur mon trottoir.
 
Il faut savoir s’organiser.
 
Ils travaillent tant qu’on ne les voit plus !
Mes amis sont pareils à des ventilateurs ;
On leur crie : adieu ! comme à des aéroplanes,
Et ils s’en vont, et ils ont disparu.

La Boîte à outils
© Éditions Gallimard, 1985, 2003.

Vous avez aimé ? Partagez-le !